Durant mon congé parental, je vous propose des articles liés à l’éducation positive et de petits outils concrets.
Pratique très en vogue, la communication signée avec les bébés, connue sous « langue des signes pour bébé » se répand depuis quelques années dans les milieux de la petite enfance. Parents comme professionnels s’y mettent : quelques signes au quotidien, comptines et chansons, ateliers de groupe… Un phénomène qui dépasse la mode et la course aux accessoires du parent parfait ! Alors en quoi cela consiste-t-il ?
Communiquer ?
La communication ne se limite pas au langage. On trouve différentes définitions de l’acte de communication. Dans la théorie de l’information décrite à partir des années 1950′ (Shannon), l’acte de communication implique un émetteur, un récepteur, un canal via lequel transite un message selon un code, le tout soumis à plus ou moins de bruit issu de l’environnement.
Ce modèle s’applique très bien à la transmission d’un message entre deux appareils, par exemple deux téléphones. Pour ce qui est de la communication entre individus lors d’une rencontre de visu, il faut ajouter le caractère simultané et multi-canal : l’émetteur et le récepteur sont en fait tout deux des interlocuteurs qui communiquent en continu. Ils s’adressent à la fois des messages sur le canal oral et gestuel, avec postures et mimiques qui offrent des feedbacks conscients ou non. De plus, en tant qu’humains, ils codent et décodent les messages de façon singulière, avec des variables psychologiques et sociales.
Dans la théorie systémique, on va jusqu’à affirmer qu’ « on ne peut pas ne pas communiquer » (premier axiome). Chaque acte, conscient ou non, verbal ou non, est communication, dès lors qu’il rencontre un récepteur. Ce n’est donc plus de l’émetteur que dépend en premier l’acte de communication, mais bien du récepteur !
Bébé apprend à communiquer
Nous sommes tellement habitués à communiquer par le langage que nous en oublions souvent de prêter attention à d’autres formes de communication. Le bébé dispose d’un répertoire comportemental dès sa naissance. Au départ, il s’agit surtout de réflexes jusqu’à ce qu’il maîtrise les mouvements de son corps. L’observation du nouveau-né permet déjà de décoder certains de ses besoins : par exemple l’ouverture de la bouche et la protrusion de la langue indiquent un besoin de téter. Cet acte est réflexe : il n’est pas volontaire, et pourtant dès lors que quelqu’un l’observe il s’agit de communication. En réponse, l’adulte donnera au bébé le sein, le biberon, la tétine, lui parlera doucement pour l’aide à patienter…
Petit à petit, avec ses nouvelles capacités à contrôler son corps, les réponses que le bébé reçoit à ses actions vont orienter celles-ci : Si la réponse est agréable ou assouvit un besoin, le comportement aura lieu plus fréquemment dans ce contexte. Inversement, si la réponse n’apporte rien d’agréable, le comportement aura lieu moins fréquemment dans ce contexte et il faudra trouver une autre stratégie pour faire passer le message. Merci aux théories de l’apprentissage et aux sciences du comportement !
Une autre façon d’apprendre : l’imitation. Dès les premières minutes de vie, le nouveau-né est capable d’imiter des mouvements inclus dans son répertoire comportemental (protrusion de la langue, ouverture de la bouche). Et longtemps encore, il observera ce qui se passe autour de lui et tentera de le reproduire.
Un grand avantage : dès sa naissance, bébé s’intéresse particulièrement aux indices sociaux. Son regard est attiré par les contrastes du visage et en particulier les yeux et la bouche qui sont très porteurs de communication. Du côté de l’ouïe, son cerveau repère clairement et sélectionne la voix humaine parmi tous les bruits audibles, et reconnaît déjà les voix familières. Voilà de quoi favoriser l’apprentissage de la communication et du langage !
La communication gestuelle et signée
La communication signée est surtout connue pour la langue des signes utilisée par les personnes sourdes ou malentendantes : en France la LSF. Bien qu’elle n’ait durant longtemps pas été considérée comme telle, il s’agit bien d’une langue à part entière, avec une syntaxe propre.
D’autres systèmes de communication signée se sont développés pour répondre à d’autres besoins spécifiques. On mentionnera le Makaton, utilisé pour des personnes ayant des troubles du langage ou atteintes de polyhandicap, ou encore présentant un trouble du spectre de l’autisme. Ce système utilise à la fois des signes issus de la LSF et des pictogrammes. Le vocabulaire est très étendu et inclue des termes abstraits. Les signes sont parfois simplifiés pour répondre aux difficultés motrices du public visé. Ils sont utilisés en association avec le langage oral quand cela est possible pour l’utilisateur.
Le Coghamo est un autre système à vocation similaire mais contenant un lexique beaucoup plus restreint : une centaine de signes pour exprimer le minimum nécessaire au quotidien.
A présent, nous voyons émerger le bébé-signe pour des enfants tout-venant, sans difficulté particulière. Tout comme dans le Makaton et le Coghamo, les signes sont inspirés de la LSF et simplifiés pour s’adapter à la dextérité du bébé. Et tout comme dans le Makaton et le Coghamo, les signes sont utilisés en association avec le langage oral. Le vocabulaire correspond à quelques termes fréquemment utilisé chez le tout petit : vie quotidienne, personne familières, alimentation, animaux, émotions de base…
Communication signée avec bébé
Même sans pratiquer la communication signée avec bébé, les parents observent bien que leur progéniture sait s’exprimer par gestes sans qu’il y ait eu d’effort d’apprentissage, et cela avant de savoir articuler des mots. Les gestes souvent repérés sont « chut », « attention », « j’entends », « coucou » et le fameux pointage du doigt ! Ce sont simplement des gestes que l’adulte a l’habitude d’utiliser spontanément en présence de l’enfant.
Si le bébé est capable de reproduire ces gestes conventionnels, il est aussi capable d’apprendre sans effort et par imitation d’autres signes. Il suffit pour cela que les signes soient réalisables pour lui sur le plan moteur et qu’ils soient utilisés régulièrement par l’adulte devant lui dans les contextes correspondant.
L’utilisation des signes peut permettre à l’enfant de se faire comprendre plus précisément. Au lieu de pointer sur la table un objet parmi tant d’autres, il peut vous le demander en signant. De même, le signe peut permettre à l’enfant d’évoquer quelque chose d’absent. Si vous n’êtes pas à table, il saura vous demander à boire en utilisant le signe. Ainsi, la communication entre l’enfant et l’adulte est facilitée.
L’utilisation des signes est intéressante chez le tout petit, et continue à l’être jusqu’à l’installation efficace du langage expressif. Certains enfants parlent plus tard que d’autres et vivent une période de forte frustration lorsqu’ils n’arrivent pas à se faire comprendre. L’utilisation des signes diminue cette frustration et limite les « crises ». Cela est particulièrement intéressant dans un contexte de bilinguisme et en collectivité.
L’utilisation des signes ne retarde pas le développement du langage. On pourrait imaginer que le fait d’avoir un moyen de communiquer empêchera le développement du langage oral. L’expérience montre l’inverse. Ce moyen alternatif participe à l’appétence à la communication et à la structuration du langage. Lorsque le langage oral apparaît, les signes sont progressivement abandonnés, ou utilisés parallèlement sous forme ludique. Parler est plus économique en terme d’énergie et plus efficace en terme de communication !
Enfin, pour l’adulte qui utilise les signes, le regard et l’attention de l’enfant sont davantage focalisés. L’adulte ajuste sa communication, est attentif à son vocabulaire, s’exprime posément.
Conclusion
Vous avez cerné mon point de vue : la communication signée avec bébé n’a rien d’indispensable ! Elle n’est cependant pas à cantonner à un phénomène de mode ou à un label commercial. La communication signée a toute sa place dans une relation bienveillante entre adulte et enfant, dans le cadre familial et encore davantage en collectivité. Elle s’avère vraiment utile lorsque l’enfant se met à parler tardivement et représente une aide réelle en cas de trouble du langage ou de la communication.
Petite recommandation si vous souhaitez vous lancer seul : feuilletez les livres avant de les acheter. Certains ouvrages proposent des illustrations très claires pour apprendre les signes tandis que d’autres sont presque inutilisables.